Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #10

At the Edge of the World

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Réal. : Dan Stone, Patrick Gambuti Jr.
Durée : 1h30
Sortie : Fin 2008, en festival.
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Derrière ce titre, qui convoque tout l’imaginaire des vieux films de flibustiers, se cache en réalité un documentaire la Sea Sheperd Conservation Society. L’ONG a été créée en 1977 par Paul Watson, qui claque alors la porte de Greenpeace dont il est également le cofondateur. Son objectif est la conservation de la faune et de la flore maritime et pour y  parvenir ils privilégient l’action directe. Pour conduire leurs opérations, les équipes ne s’encombrent pas d’autorisations : ils agissent, point barre. A ce titre, la Sea Shepherd a recours à l’abordage en pleine mer, au sabordage de bateaux à quai ou encore aux jets d’acide butanoïque -qui rendent la viande de baleine impropre à la consommation. Cette attitude audacieuse, parfois violente, a valu à l’organisation d’être taxée d’écoterroriste par le FBI et les autorités japonaises mais également d’être interdite en Namibie. At the Edge of the Wold nous embarque en pleine opération Léviathan, qui s’est déroulée entre 2006 et 2007. Lire la suite

Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #7

What Happened, Miss Simone ?

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Réal. : Liz Garbus
Durée : 1h42
Sortie : 26 Juin 2015 (exclusivité Netflix)
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Comme tout le monde je connaissais la chanteuse et fredonnait même parfois ses airs les plus mémorables. Mais comme beaucoup aussi j’ignorais tout de la vie de Nina Simone, la femme, l’être humain. J’ai donc accueilli ce documentaire, une exclusivité de la chaîne numérique Netflix, avec autant d’intérêt qu’il existe peu de documentaires sur l’artiste. Avant d’être mis en ligne sur Netflix, le documentaire a été présenté au Festival de Sundance en Janvier dernier et sort alors qu’un biopic sur la chanteuse connaît un lent développement depuis 2012. Il devrait finalement sortir en salles courant 2016 et on pourra y voir Zoe Saldana tenir le rôle de Nina Simone, un choix qui n’a pas manqué de faire polémique. En cause, le teint de peau trop clair de la comédienne, probablement perçu comme une volonté de whitewashing de l’icône noire-américaine par Hollywood et ses décideurs blancs. Inutile de préciser que le film prête à la prêtresse de la soul une relation avec son assistant, information démentie par la fille de Nina, Lisa Simone. What Happened, Miss Simone ? a donc le mérite de sortir en premier et de présenter la biographie officielle de l’artiste américaine née Eunice Kathleen Waymon. En effet, Lisa Simone ne s’est pas contenté de témoigner, elle est également la productrice déléguée du film. La fille unique de Nina Simone reviendra donc sur sa relation tumultueuse avec sa mère qui lui a valu d’aller passer son adolescence chez son père. Des révélations personnelles qui viennent étayer le portrait d’une femme combative, rêveuse et trop sensible. Nina Simone garda jusqu’à la fin de sa vie la blessure vive de son éviction du Curtis Institute of Music, à Philadelphie. Celle qui se destinait à la musique classique s’est vu fermer les portes, c’est finalement la musique soul qui lui a ouvert les siennes et l’a consacrée. Monstre sur scène, Nina Simone traîne aussi ses démons dans l’intimité de son foyer. Elle affiche également ses convictions et prête sa voix à la défense des droits civiques des noirs-américains. Bref, ce documentaire fait la part belle à la Nina spontanée, impulsive et vraie, tant dans ses moments de grâce que dans ses coups de cafard. Un beau portrait étayé d’images d’archives et de témoignages de ceux qui l’ont côtoyée musicalement et amicalement. Une jolie découverte.

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Au Royaume des Singes

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Réal. : Mark Linfield
Durée : 1h21
Sortie : 11 Novembre 2015
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Après Félins, Chimpanzés et Grizzlis, Disneynature nous présente son dernier né : Au Royaume des Singes. Et c’est de nouveau Mark Linfield qui est aux manettes -il avait déjà réalisé l’opus Chimpanzés en 2012. Cette fois le réalisateur suit Maya, une petite macaque à toque, qui vit dans la jungle foisonnante du Sri Lanka. Si  la nature paraît belle et providentielle, encore faut-il faire partie du peloton de tête pour en profiter pleinement. Maya, elle, fait partie des sous-fifres dans l’échelle sociale simiesque. Pour offre à son bébé et elle-même la vie qu’ils méritent, Maya va devoir redoubler d’inventivité et de diplomatie. Encore une fois, Disneynature nous gratifie d’un storytelling résistant à toute épreuve. Et s’il pourra paraître un peu trop artificiels pour les adultes, il charmera à coup sur les plus jeunes spectateurs. Car, si les images sont époustouflantes, l’omniprésence de la narration et de l’anthropomorphisme a quelque chose de finalement étouffant. En allant puiser dans l’universalité du conte sur la royauté, Au Royaume des Singes se borne à une histoire simpliste qui ravira les enfants mais beaucoup moins un public adulte à la recherche d’informations plus solides, si ce n’est même d’un documentaire plus contemplatif. Personnellement, j’ai beaucoup pensé à une série documentaire sur le même sujet que j’ai eu l’occasion de voir étant plus jeune sur France 5. Cette série documentaire, intitulée Gang de Macaques avait le mérite de présenter la vie d’un groupe de singes de Jaipur avec un ton résolument impertinent et décalé. Pas de méprise, sur le plan purement technique, le documentaire de Disney offre de superbes images qui rendent justice aux trois ans de travail de l’équipe. Mais voilà, la fable naïve et convenue agit comme une sorte de barrière laissant les spectateurs les plus grands un peu à côté du sujet. Comme à son habitude, Disney a veillé à ce que le documentaire soit un véritable ascenseur émotionnelle, à l’image de ses films d’animation. On passe des larmes, à l’attendrissement et aux rires en un rien de temps. En somme, voilà un documentaire sympathique à regarder avec les plus petits.

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Making A Murderer

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Réal. : Moira Demos & Laura Ricciardi
Durée : 10x65mns
Sortie :  2015 (exclusivité Netflix)
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Cette série documentaire là, exclusivité de Netflix, n’a rien d’un divertissement pour les plus jeunes ! Elle retrace les déboires de Steven Avery avec la justice américaine, une histoire qui a débuté en 1984 et qui n’est à ce jour toujours pas réglée. En 1985, Steven Avery est incarcéré pour un viol qu’il n’a pas commis. Il sortira de prison quelques dix-huit ans plus tard avec une vie détruite : compagne et enfants envolés, réputation et honneur entachés. Au moment de sa sortie, le gouverneur du Wisconsin fait de lui son fer de lance de l’Innocence Project, un programme qui a pour vocation de soutenir les prisonniers injustement condamnés. Mais voilà qu’en 2005, Avery est de nouveau inquiété par la justice dans le meurtre de Theresa Halbach. C’est à ce moment que les réalisatrices ont l’idée de suivre Steven Avery. Dix ans plus tard, Demos et Ricciardi ont collecté plus de 500 heures d’interviews et 180 heures d’images de procès. Un matériau à la fois impressionnant et écrasant qui a de quoi donner des sueurs froides. Cette série documentaire est un véritable cauchemar, sans concessions. Bien plus que le fait divers qui l’a motivé, elle dépeint la vie d’accusé face à la justice américaine. Une condition peu enviable qui repose pour beaucoup sur les apparences : le pyjama rayé des inculpés est un véritable stigmate, la couverture omniprésente des médias qui se repaissent allégrement des détails les plus sordides ou encore l’image charismatique de certains avocats et tenant du gouvernement ; voilà autant de faits à cause desquels la condition d’accusé aux États-Unis est un véritable épouvante. Durant toute la durée de son procès, Steven Avery n’aura de cesse de clamer son innocence là où l’accusation se contentera parfois simplement d’en appeler à l’imaginaire collectif à l’aide de multiples et sordides descriptions de la scène de crime. Quant aux dysfonctionnements de la machine justice que pointe Steven Avery, personne ne souhaite véritablement s’y pencher. Making A Murderer est un document véritablement édifiant qui a le mérite de pointer les failles de la justice et du système américain. Passionnant et glaçant à la fois.

Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #6

La Glace et le Ciel

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Réal. : Luc Jacquet
Durée : 1h29
Sortie : 21 Octobre 2015
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Présenté en clôture du Festival de Cannes 2015, La Glace et le Ciel de Luc Jacquet retrace une petite histoire à l’échelle de l’homme : celle de Claude Lorius, glaciologue et baroudeur de l’extrême. Ce dernier n’a eu de cesse de décrypter la grande Histoire, celle de l’humanité et de sa planète. Le cinéaste retrace pour nous la vie de ce passionné faite d’incroyables aventures et d’une irrésistible attraction pour la découverte. Il faut dire que ce petit bonhomme de 83 ans cache, sous ses airs discrets, une vie complètement rocambolesque. En 1955, alors qu’il a 23 ans, Claude Lorius répond à une annonce relayée par l’Université de Besançon proposant un hivernage d’un an dans la base Charcot en Terre-Adélie. C’est la première d’une longue série d’expéditions (une vingtaine au total) pour le glaciologue fasciné par la capacité de la glace polaire à emprisonner l’air contenu dans l’atmosphère. La formule bien consacrée -les voyages forment la jeunesse- est totalement appropriée au sujet de Claude Lorius, tant son amour pour son sujet s’accroit à mesure qu’il visite l’Antarctique et qu’il apprend à connaître cette terre vierge. Dans La Glace et le Ciel transparaît tout l’intérêt du réalisateur, Luc Jacquet, qui s’était déjà entouré d’un grand nom de la botanique, Francis Hallé, pour le tournage de son Il était une forêt. C’est en compilant un nombre considérable d’images d’archive que Luc Jacquet reconstruit le fascinant passé du glaciologue. Un passé fait d’aventures et de découvertes mais également de dangers : de la rupture avec le monde en passant par les températures et manifestations extrêmes de la nature. Ces images, impressionnantes, nous rappellent les premières expéditions de l’Everest entre ivresse et inconscience. Et il y a de quoi louer le courage de ces explorateurs bravant les éléments dans des conditions alarmantes et avec un matériel  rudimentaire. Si les images glacent le sang et coupent le souffle, le son n’est pas en reste ! Le soundesign du documentaire est époustouflant et fait la part belle à la banquise et au froid. On pardonnera donc au film ses rares écueils : une bande-originale convenue et de multiples close up sur notre explorateur, désormais âgé, arpentant la banquise. Ce sont des ornements un peu trop hollywoodiens à mon goût. La Glace et le Ciel est un beau documentaire, tant sur la forme que sur le fond, qui nous sensibilise à la situation climatique en nous racontant une histoire, celle de Claude Lorius, et en nous préservant des sacro-saintes statistiques et études.

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Product

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Réal. : Simon Bouisson et Ludovic Zuili
Durée : 10 x 4mns
Sortie : Depuis le 28 Novembre
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Cette fois-ci, c’est un format un peu particulier qui s’immisce dans ces découvertes documentaires : une série, diffusée sur Arte depuis le 28 Novembre dernier et disponible en replay. Product c’est dix épisodes de quatre minutes qui vous proposent de plonger dans la conception et l’acheminement de nos biens de consommation. Le programme est varié : de la crevette grise aux circuits imprimés en passant par les extensions capillaires et la pâte à tartiner. Product nous emmène en balade autour du globe et nous fait prendre conscience du chemin parcouru comme des transformations subies par les objets que nous consommons. Le dispositif, une caméra embarquée, est aussi efficace qu’il est simple. Inutile de recourir aux longs discours, les seuls artifices que se permet l’émission c’est l’ajout d’une petite carte pour résumer le parcours de l’objet, un compteur kilométrique pour expliciter la distance et une statistique éclairante sur la thématique. Product c’est une émission courte et percutante qui nous place au chevet de notre planète et nous fait prendre le pouls de nos modes de vie outranciers. Édifiant.

Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #5

The Nightmare

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Réal. : Rodney Ascher
Durée : 1h34
Sortie : 26 Janvier 2015 (Sundance Festival)
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Rodney Ascher nous livre son deuxième long-métrage documentaire, The Nightmare. Prochainement distribué par l’association de The Jockers et Le Pacte, le film est pour l’instant disponible en version originale et en VOD. Dans la lignée des révélations loufoques et théories conspirationnistes de Room 237 sur l’oeuvre de Stanley Kubrick, The Nightmare se base également sur des témoignages assez particuliers. Le documentaire retrace les expériences de personnes victimes de paralysie du sommeil et s’intéresse plus particulièrement à ces atroces visions qu’on croirait sorties d’un film d’horreur. Les dormeurs sont bien souvent visités par des présences angoissantes et, dans les cas les plus extrêmes, carrément attaqués par ces inquiétantes silhouettes. Il faut avouer que le réalisateur a une propension pour les histoires étranges et sordides, à la limite du fantastique. A tel point, qu’il peut faire penser à un malicieux auteur de creepypastas qui transcrirait ses légendes en images. Ascher aime démonter la face lisse des symboles et mythes (comme dans son court The S From Hell et son futur Terror of Frankenstein) ou du quotidien pour en extirper la dimension sombre et étrange, qu’il nous révèle à grands coups de témoignages glaçants. Dans The Nightmare, ce n’est plus seulement la parole qui tient le rôle principal : Ascher compte sur une mise en scène éprouvante pour reconstituer les terreurs nocturnes de ses sondés dans de véritables tableaux animés. Pour apprécier ce travail proche du mockumentary, il faut tout d’abord se départir des attentes traditionnelles que l’on peut plaquer sur un documentaire. The Nightmare ne recherche pas l’exhaustivité ou la réalité, il cherche avant tout à retranscrire et créer une expérience tant visuelle que personnelle. Il jubile de perdre et faire frisonner un spectateur désorienté. Contemplatif et laissant la part belle au récit, le documentaire n’exposera donc aucune explication scientifique ou aucune statistique. A vous d’entrer, ou pas, dans cette expérience sensorielle déroutante.

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Jodorowsky’s Dune

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Réal. : Frank Pavich
Durée : 1h30
Sortie : 18 Mai 2013 (Festival de Cannes)
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Il était une fois un réalisateur qui voulait adapter le mythique Dune de Frank Herbert, dix ans avant que David Lynch le fasse. C’est ce conte qu’entend faire connaître Frank Pavich avec son Jodorowsky’s Dune, un très bon documentaire qui retrace la courte vie de ce projet mené par le provocateur Alejandro Jodorowsky. Le documentaire, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2013, est depuis disponible en Blu-ray et VOD. Incroyablement complet et introspectif, ce documentaire nous permet de découvrir tout le travail en amont d’un projet avorté. Et quel projet ! Il a motivé les plus grands artistes de son époque : Jodorowsky, Moebius, HR Giger, Magma, Pink Floyd… Il faut avouer que les ambitions démesurées du réalisateur ont de quoi donner le vertige aux financiers : Jodorowsky veut alors créer un nouveau Dieu artistique et cinématographique. Rien que ça. Il aimerait également attribuer à chaque planète représentée dans Dune un groupe de musique différent pour en créer l’ambiance sonore. Il jette son dévolu sur Pink Floyd et Magma. Il veut aussi réaliser le meilleur long shot que le cinéma ait jamais vu, bien meilleur que celui d’Orson Welles dans Touch of Evil. Ce documentaire, c’est un peu un film de braquage : il nous présente des personnalités incroyables, réunies autour d’un projet dingue et dans un moment de création unique, qui vont se heurter aux réalités bassement matérielles et économiques de l’industrie du divertissement. La conclusion de ce documentaire donnera raison à Jodorowsky. Les talents rencontrés pour cette entreprise contribueront à de nombreux films par la suite, citons simplement HR Giger et son implication dans Alien. Quant aux idées de réalisation du cinéaste, elles feront également leur chemin. La scène d’ouverture du Contact de Robert Zemeckis reprenant l’idée d’un long shot traversant la galaxie toute entière. Voilà comment un projet en avance sur son temps se trouve broyé par la frilosité des studios et des money men. Mais tel le phénix, le projet de Jodorowsky renaîtra : dans le travail des ses pairs mais également sous la forme d’une saga de bande-dessinées, L’Incal. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ; comme dirait l’autre.

Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #3

Parole de Kamikaze

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Réal. : Masa Sawada
Durée : 1h16
Sortie : 3 Juin 2015
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Un documentaire très sobre et dépouillé qui explore implacablement les souvenirs d’un ancien kamikaze devenu recruteur lors de la seconde guerre mondiale. Plus qu’un documentaire, c’est véritablement un portrait de Fujio Hayashi que nous donne à voir Masa Sawada, teinté des propres peurs et questionnements du cinéaste à propos de la mort et du nationalisme. Une sorte de portrait psychanalytique en miroir donc. Ce documentaire laisse la parole à l’homme, à ses souvenirs, son expérience et ses sentiments. Il laisse aussi une grande part à ses silences, ses hésitations et ses non-dits. Ces moments, où Fujio Hayashi s’interrompt au milieu d’une phrase, sont autant de moments de vérité où l’on parvient presque à toucher du doigt les remords et les doutes de ce septuagénaire, âgé de seulement 21 ans lors de son engagement. Aucune image d’archive ne venant ponctuer ses déclarations, ces moments d’interruption et de réflexion sont autant de manifestations de ce qui se joue plus profondément. Ils donnent à la thématique une portée plus incarnée et vivante de ce pan de l’histoire longtemps débattu à grands renforts de faits, d’images et de mythes. Un portrait sans concessions : tendre et cruel à la fois, optimiste et désespéré, en un mot : vrai.

En somme, Parole de Kamikaze est bien différent des documentaires que l’on a pu voir sur le phénomène des kamikazes. Il replace l’humain au centre du débat et nous donne une fine analyse psychologique de ce qu’un ancien mercenaire a pu ressentir. Entre humiliation d’être en vie et fierté d’avoir servi son pays, Fujio Hayashi reste a jamais marqué par ces morts qui ont été ses amis ou ses élèves et par ces idéaux qu’il a vu s’effriter jusqu’à disparaître.

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American Radical : The Trials of Norman Finkelstein

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Réal. : David Ridgen et Nicolas Rossier
Durée : 1h29
Sortie : 16 Octobre 2012
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Encore un documentaire qui nous vient des Mutins de Pangée (souvenez-vous). Cette fois, on nous propose de suivre l’universitaire Norman Finkelstein, disciple de Noam Chomsky et spécialiste du conflit israélo-palestinien. La liberté de ton et les thèses de Finkelstein déplaisent, à tel point que l’enseignant a été licencié de l’université DePaul à Chicago et peine aujourd’hui à trouver une stabilité professionnelle. Ses convictions et ses thèses lui valent aujourd’hui de mener une vie instable : entre menaces, déconvenues professionnelles et difficultés personnelles. Un documentaire édifiant sur l’intégrité intellectuelle et le statut d’essayiste dans un monde entièrement régit par la géopolitique, gangrené par la compromission et définit par le conformisme. Avec de telles normes, il n’est pas étonnant que Norman Finkelstein dérange : il sort des cadres, défie les étiquettes et bouleverse la position classique de l’intellectuel. A travers cette figure, David Ridgen et Nicolas Rossier nous montrent l’illusion et la fragilité de la liberté d’expression dans nos sociétés qui font mine de l’ériger en valeur suprême. Le documentaire nous montre également la facilité avec laquelle on juge une thèse sur le prétendu bien fondé de la personne qui s’exprime, les détracteurs de Finkelstein l’accusant d’être un self hating jew comme tant d’autres. Et l’essayiste de se demander « […] en quoi cela change-t-il les faits ? Pour un individu rationnel, la seule question doit être : est-ce que ce qui est dit est vrai ou faux ? » American Radical : The Trials of Norman Finkelstein est une vraie leçon de courage, ou comment un intellectuel tente de rester droit dans ses bottes quand ses principaux adversaires l’accusent de schizophrénie, d’antipatriotisme et de haine. Autant d’arguments qui ne débattent pas du fond de ses thèses mais simplement du bien fondé de celui qui les soutient. Humiliant.

American Radical c’est l’éternelle histoire du pot de terre contre le pot de fer. C’est aussi un documentaire qui soulève la problématique suivante : la pollution du lobbying et des experts dans la pensée rationnelle et logique. A ce propos, j’évoquerai prochainement le documentaire Merchants of Doubt qui soulève la question de la légitimité de tels personnages à s’exprimer. Quel que soit votre avis sur la question israélo-palestinienne, ce documentaire est d’un intérêt certain pour les défenseurs des libertés fondamentales.

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BearsBears

Réal. : Alastair Fothergill et Keith Scholey
Durée : 1h18
Sortie : 5 Novembre 2014
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Les documentaires de Disneynature, il faut l’avouer, jouissent d’une mécanique et d’un marketing bien rodés. Sorti aux Etats-Unis au moment du Earth Day comme ses prédécesseurs, Bears s’affiche comme un documentaire animalier engagé. Une portion des bénéfices issus de l’exploitation du film dans les salles américaines a d’ailleurs été reversé au Parc National de Katmai (Alaska), où vit la famille d’ours que nous propose de découvrir Bears. A l’occasion de la sortie, les utilisateurs de Facebook pouvaient également débloquer des dons pour l’association Save Our Species en partageant la bande-annonce du film. Le tournage aura duré deux ans pour capturer l’évolution de cette famille intrépide. Le Parc de Katmai étant un environnement très protégé -devenu monument historique national en 1918-, les ours n’ont pas eu de réticences particulière à approcher l’équipe technique. Anecdote amusante à signaler : les techniciens étaient munis de k-way pour parer une éventuelle charges de leurs acteurs, les ours n’appréciant pas du tout le bruit de ces vêtements. Bears nous offre une belle plongée dans le quotidien de ces ours bruns dont la survie dépend entièrement des activités humaines qui modifient leur milieu et les rendent vulnérable. De belles images, un son impeccable et un storytelling millimétré, autant de caractéristiques qui nous assurent qu’il s’agit bien là d’une superproduction des studios Disney.

En définitive, Bears nous fait passer un agréable moment ! On déplore cependant le storytelling trop assumé et la musique un brin tire-larme, attributs essentiels aux productions Disney. Soit. Vous n’en sortirez pas transformé, mais vous aurez eu un petit moment d’émerveillement devant ces jolies frimousses et ces magnifiques paysages. Plaisant et dépaysant.