Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #9

La Trilogie des Médias
de Pierre Carles

Trilogie Médias Pierre Carles

Réal. : Pierre Carles
Durée : 1h30 / 2h26 / 1h33
Sortie : 18 Novembre 1998 / 2 Mai 2001 / 2 Octobre 2002
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Voilà non pas un documentaire, mais trois pour le prix d’un ! La bien nommée trilogie des médias, c’est en réalité trois documentaires de Pierre Carles qui font la critique des médias télévisuels et notamment des faux impertinents – qui critiquent les dispositifs dans lesquels ils s’inscrivent finalement. Ce triptyque se compose, par ordre chronologique, de Pas vu pas pris, La sociologie est un sport de combat et Enfin pris ?. Mais tout d’abord, un petit retour sur le personnage de Pierre Carles s’impose. Dans la grande famille de la télévision, Pierre Carles a semble-t-il toujours été le trouble-fête, exposant les pratiques douteuses et les copinages de ses confrères journalistes. Il s’est notamment fait connaître en dénonçant la fausse interview de Fidel Castro par PPDA.
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Spotlight, ou le retour du film de journalistes.

Dimanche dernier j’ai vu Spotlight franchement par hasard. La promo du film m’avait totalement laissée de marbre. Il faut dire que le film de Tom McCarthy a tout l’apparat du film à Oscar, facile et lisse. Ça commence par un casting cinq étoiles : Michael Keaton, revenu en grâce au cinéma depuis Birdman, Mark Ruffalo, Rachel McAdams, Liev Schreiber ou encore Stanley Tucci et Billy Crudup. Une belle brochette d’acteurs appréciés du public et que l’on croise régulièrement parmi les nommés aux plus prestigieux awards. Après les acteurs, il y a l’histoire qui porte la sacro-sainte appellation « basé sur des faits réels ». En effet, Spotlight revient sur une affaire sordide qui a fait scandale en 2002 aux États-Unis et dont l’onde de choc a été internationale : la révélation d’abus sexuels sur des mineurs perpétrés par une vingtaine de prêtres de l’église catholique, à Boston, et que le Cardinal Law aurait systématiquement couverts. Sans étonnement, les personnages sont donc inspirés des journalistes qui ont enquêté plus d’un an pour révéler l’ampleur de l’affaire dans les colonnes du Boston Globe. Ce dossier a eu l’effet d’une bombe et a été récompensé par le Prix Pulitzer. Le thème même du film semblait donc fournir un bon prétexte au mélo et au film tire larmes. Rassurez-vous, il n’en est rien ! Si j’avais été un peu plus curieuse avant ma séance, j’aurais appris que le réalisateur, Tom McCarthy, a également réalisé et écrit deux très bons films que j’ai beaucoup apprécié : The Visitor et The Winners, deux dramédies bigrement sympathiques et touchantes. Et, à l’image de ces deux films, Spotlight traite son sujet sans jamais taper dans le larmoyant, le misérabilisme ou la curiosité malsaine.

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Découvertes Documentaires du Mois (DDM) #1

Citizenfour

Citizenfour 4

Réal. : Laura Poitras
Durée : 1h53
Sortie : 4 Mars 2015
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Citizenfour vient clôturer la trilogie anxiogène de la journaliste Laura Poitras sur l’Amérique post-11 Septembre. Les deux précédents volets, My Country, My Country et The Oath sortis respectivement en 2006 et 2010 dénonçaient, pour le premier, les dérives de la guerre contre le terrorisme et brossait, pour le second, les portraits de deux hommes en relation avec Al-Qaeda. Ces deux films ont valu à la journaliste de figurer sur une liste de personnalités à surveiller étroitement. Elle aurait d’ailleurs été arrêtée plus de 40 fois à la frontière américaine. Ce qui semble n’être qu’une anecdote prend tout son sens dans Citizenfour : c’est sur la base de cette réputation que Edward Snowden décide d’entrer en contact avec elle. Après de nombreuses précautions, l’hacktiviste et la journaliste se rencontrent pour filmer les entretiens avec Glenn Greenwald qui feront éclater le scandale que l’on connaît. Ce documentaire témoigne de la menace qui plane sur la vie privée mais également la liberté d’expression. Ce n’est pas tant l’obscurantisme religieux qui devrait obnubiler les sociétés que les actions dissimulées de leurs gouvernements et les prétextes dont ils se saisissent pour réduire les libertés. Notamment en surveillant les individus et les réseaux au moyen de lois issues de l’obsession anti-terroriste et catastrophistes. Citizenfour est un véritable thriller-réalité qui donne à s’interroger sur le statut des whistleblowers, ces individus pourchassés et menacés pour avoir voulu avertir l’opinion publique de pratiques dérangeantes. Il laisse également dubitatif quant à l’évolution du contrôle des nouvelles technologies et des populations qui les utilisent.

Peut-être vous sentirez-vous révoltés en sortant de la salle : contre votre fournisseur d’accès à internet, contre les entreprises qui collectent vos données et le gouvernement qui vous épie. Promis, dès le lendemain vous retournerez à Twitter sans craintes. Et c’est bien dommage. Citizenfour : un visionnage indispensable !

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Red Army

Red Army 6

Réal. : Gabe Polsky
Durée : 1h25
Sortie : 25 Février 2015
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L’Armée Rouge, voilà le surnom donné à l’équipe de hockey russe qui a fait frémir les plus grandes formations autour du globe dans les années 80. Avec ce documentaire, Gabe Polsky revient sur leurs succès et défaites tout en dévoilant l’envers du décor : une discipline de fer à l’image du régime, une forte pression visant à endiguer la fuite des biceps et de véritables destins humains bouleversés. Red Army c’est une histoire de performance sportive mais surtout d’hégémonie politique. Chronologiquement, le réalisateur revient sur le parcours de l’exceptionnelle dream team qui compose l’équipe : les Russian Five. Au travers d’entretiens et d’images d’archive, Polsky parvient à faire renaître ces figures mythiques qui vivent désormais des vies rangées. Viatcheslav Fetisov, dit Slava, défenseur et meneur, est le véritable fil rouge de cette histoire. Le documentariste se plaît à explorer avec brio cette personnalité trouble, premier joueur à avoir remis en cause la main mise de l’URSS sur son équipe et désormais ministre des sports de Poutine. Véritable frondeur devenu pilier du régime, peut-être par espoir de le réformer ou par simple cynisme. Polsky se laisse parfois aller à une psychologisation quelque peu facile de ses protagonistes, mais il en ressort toujours des éléments d’analyse intéressants. Bien plus que l’histoire d’un affrontement idéologique, Red Army examine les blessures de ces héros soviétiques écrasés par leur pays. De la surveillance par le KGB aux intimidations, Slava et ses camarades ont tout subi. Sur un plan purement sportif, le hockey russe se révèle plus délicat, allant jusqu’à emprunter ses mouvements à ceux des danseurs du Bolchoï. Une pratique qui se heurtera à sa version américaine, plus primaire et violente.

Avec Red Army, Gabe Polsky livre la Guerre Froide sous un autre angle : un combat hégémonique dans un monde divisé, où chaque activité humaine est concernée. Il rend efficacement compte de ces destins brisés par l’idéologie et le protectionnisme. Une séance instructive.

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Les Gens du Monde

Les Gens du Monde

Réal. : Yves Jeuland
Durée : 1h22
Sortie : 10 Septembre 2014

Yves Jeuland ausculte le service politique du journal Le Monde. Filmé durant la campagne présidentielle de 2012, ce documentaire nous présente une période d’effervescence au sein de la rédaction qui se dévoile à travers ses personnalités, les interrogations qui les réunissent et les surprises de l’actualité. Voilà une promesse alléchante : de grands débats, de beaux frissons et une pensée en action. Étonnement, il n’en ressort qu’inconséquence et platitude. Une attitude bavarde que l’on peut imputer à une nécessité de mise en scène. Compliqué, en effet, de montrer un travail de bureau dont le fruit naît dans l’intimité cérébrale des journalistes. Malheureusement, l’attention est tout de suite happée par ces small talks d’une banalité confondante. Certains passages esquissent pourtant des questions plus profondes ayant trait aux bouleversements structurels engendrés par le numérique et le besoin d’une actualité en direct qu’il aurait été bienvenu d’approfondir. En effet, ces interrogations s’effacent devant le charisme des protagonistes et leurs petites préoccupations quotidiennes, pas toujours captivantes : le dégoût d’autres grands journaux, la peur de l’image renvoyée ou encore la bonne façon de twitter.

En somme, le visionnage n’a rien de désagréable mais ne laisse aucune véritable empreinte. Les saynètes laissent l’impression d’un débat bruyant et stérile. Il faut retenir des Gens du Monde l’inquiétude, en filigrane, des reliquats d’une presse traditionnelle peu à peu engloutie par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. Passable.