Desierto, ou le shoot ’em up de clandestins.

Comme le marketing n’a pas manqué de vous le rappeler, Desierto c’est l’oeuvre des créateurs de Gravity. Enfin, non, pas vraiment. Pas du tout même. Desierto, c’est surtout le deuxième long-métrage de Jonás Cuarón, fils d’Alfonso Cuarón, et dont le rôle sur Gravity s’est limité à œuvrer sur le scénario aux côtés de son père et réaliser un le court-métrage annexe intitulé Aningaaq. En dehors de la filiation des réalisateurs et d’un attrait pour les vastes et redoutables espaces, la ressemblance s’arrête là. Le pitch avait pourtant de quoi séduire : dans le désert de Sonora, des clandestins mexicains tentent de gagner les Etats-Unis. Mais à l’approche de la frontière, il devient évident que quelqu’un cherche à les abattre et veille à ce qu’il ne reste aucun survivant. Le synopsis promettait une satire violente sur le climat social et géo-politique en cette période où un certain Trump promet d’ériger un mur entre les Etats-Unis et le Mexique. Détrompez-vous, il n’en est rien. A trop vouloir séduire un large public, Jonás Cuarón réduit son film à un vulgaire film de genre. Pire, il ne cherche pas à s’affranchir des codes de ce genre de production. Exit donc la promesse d’un angle de vu cinglant sur la vie politique américaine. On se doute pourtant que le réalisateur a son mot à dire sur cette situation révoltante mais le message ne franchit pas celui de la simple évocation. De la première à la dernière minute, le film ne parvient pas à sortir du pilotage automatique qu’il a lui-même initié. Le scénario se veut pourtant ramassé et les dialogues ciselés, mais tous deux ne permettent pas de se départir du survival basique. Plus frustrant encore, il recycle les sempiternels clichés du genre.

Desierto Illus 1

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Sicario, ou l’équilibre du mal.

Comme à son habitude, Denis Villeneuve nous en met plein la vue avec son dernier film, Sicario, sorti le 7 Octobre dernier. Le réalisateur des très bons Enemy, Prisonners et Incendies, s’essaie au thriller d’action sur fond de guerre contre les cartels mexicains. L’argument du film est simple : Kate Macer, rookie du FBI spécialisée dans les kidnappings, rejoint un discret groupe d’intervention qui lutte activement contre le trafic de drogue. La jeune idéaliste se heurte bien vite aux pratiques de cette équipe spéciale. Le moins que l’on puisse dire c’est que Villeneuve réussi son incursion dans le cinéma d’action, et ceci avec classe. D’une histoire finalement assez simple, Sicario fait naître une incroyable tension dramatique et visuelle qui réside dans la place du spectateur, logé à la même enseigne que l’héroïne. Saluons au passage le choix d’une femme en tant que personnage principal fort, choix pas si évident aux yeux des studios et que le scénariste, Taylor Sheridan, n’a eu de cesse de réaffirmer. Le spectateur est donc laissé au même plan d’ignorance que la protagoniste, un parti pris simple mais essentiel qui permettra au film de ne pas s’embourber dans les interminables retournements de situation auxquels le genre est habitué. Les pièces manquantes au puzzle sont apportées avec résignation : sans grandiloquence, sans effet d’annonce. L’ignoble réalité est montrée toute crue à mesure que Kate démasque et surprend les arrangements de ses improbables collègues. Le constat du film reste sans appel : l’individu n’est rien face à la machine étatique qui écrase ses contrevenants les mieux intentionnés.

Sicario Illus 5

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